p. 9 – 12
Compte-rendu du récital Bossuet en l’église Saint-Roch de Paris, le 11 avril 2019 : prestation assurée par le comédien Théophile Choquet et l’organiste Françoise Gangloff. La parole de Bossuet continue d’émouvoir nos contemporains. Annonce du prochain numéro thématique de la Revue, Bossuet et l’Italie, pour 2020 ; en cette même année, du 14 au 16 mai, aura lieu à Montpellier le colloque de l’Association, L’écriture d’un jésuite : Pierre Le Moyne (1602-1671).
A review of the Bossuet recital in Paris’s Church of Saint-Roch, on April 11, 2019, performed by the actor Théophile Choquet and the organist Françoise Gangloff. Bossuet’s words are still moving today. We announce the next special issue of the Revue, entitled Bossuet et l’Italie, coming in 2020. Also in 2020, from May 14–16, the Association will gather in Montpellier for a seminar entitled L’écriture d’un jésuite: Pierre Le Moyne (1602–1671).
La voix de l’évêque
dans la France du XVIIe siècle
p. 13 – 16
Anne RÉGENT-SUSINI
Prédication directe et indirecte
La mission épiscopale, dont l’importance est réaffirmée par le concile de Trente, voit sa spécificité discutée tout au long du XVIIe siècle : l’épiscopat est- il un sacrement distinct de la prêtrise, ou n’est-il qu’une sorte d’extension du sacerdoce. Les contributions réunies dans ce numéro thématique soulignent que si l’évêque tridentin est volontiers présenté comme le dépositaire d’une « voix » spécifique au sein de l’institution ecclésiastique, sa voix est aussi appelée à informer (dans tous les sens du terme) d’autres voix, qui la prolongent et la déclinent.
The voice of the bishop in seventeenth-century France
Direct and indirect preaching
The episcopal mission, the importance of which was reaffirmed by the Council of Trent, was debated in depth throughout the seventeenth century. Is episcopacy a different sacrament to priesthood? Or is it simply a kind of extension of it? The contributions collected in this special issue highlight that while Tridentine bishops are willingly presented as the depositaries of a specific “voice” within the ecclesiastical institution, their voice is also called on to inform (in all senses of the word) other voices, which both perpetuate and weaken it.
p. 17 – 31
Agnès LACHAUME
Entend-on des personnages d’évêques parler dans les textes fictifs du XVIIe siècle ? Force est de constater que le lieu commun du prélat éloquent du Grand Siècle, pour être une réalité historique, ne se traduit pas dans ce corpus. L’enquête menée dans cet article aboutit plutôt à un non-lieu. Laïcisation de la fiction et respect de la parole d’autorité ecclésiastique semblent l’expliquer ; c’est bien plutôt le XIXe siècle qui construit ce type romanesque, tout en ciblant davantage la figure du casuiste.
Bishops’ speeches in seventeenth-century fiction
Do seventeenth century fictions stage preaching bishops? Clearly, during this period, the topos of an eloquent prelate, though well documented in historical sources, does not reflect in those texts. This article emphasizes such a silence, which can be explained by a secularization of fiction, as well as certain views on the respect due to bishops’ speeches. The archetype of the preaching bishop rather appears in nineteenth-century novels, which puts an even greater emphasis on the casuists’ characters.
p. 33 – 50
La réputation de douceur de François de Sales pourrait laisser croire à une sorte d’atténuation systématique des lieux de conflit, en parole ou en action ; or, il n’en est rien et celui-ci s’est lancé dans une vaste entreprise de réformation, accomplissant dans la conduite de son diocèse ce qu’il avait mis en place dans la conduite individuelle des âmes. Il a ainsi échappé au double écueil, du passage hâtif de la réformation à la révolution, et de la lenteur se complaisant en velléités.
François de Sales
Gentleness and reformation
The reputation of gentleness of Francis de Sales could suggest a kind of systematic attenuation of places of conflict, in words or in action; but this is not the case, and he has implemented a vast movement of reformation, fulfilling in the conduct of his diocese what he had successfully experienced in the individual spiritual guidance. That is how he escaped two major pitfalls, going too fast from reformation to revolution, and going too slowly and therefore undertaking and accomplishing nothing.
p. 51 – 68
Norihiro MORIMOTO
Le cas de l’affaire du quiétisme en France
Dans ses écrits pastoraux composés au moment de la révocation de l’édit de Nantes, Bossuet utilise le style oratoire. Si, dans l’affaire du quiétisme, Harlay et Noailles restent fidèles à la tradition des ordonnances, Bossuet et Godet des Marais s’efforcent de persuader les fidèles en transmettant par écrit leur parole, voire leur voix. Cette diversité stylistique permet à leur adversaire Fénelon d’élaborer son Instruction pastorale de 1697, qui préfigure son usage du dialogue en 1714.
The voice of bishops in pastoral literature
The French case of Quietism
In his pastoral writings composed at the time of the Revocation of the Edict of Nantes, Bossuet uses an oral style of rhetoric. While Harlay and Noailles have stayed true to the tradition of prescriptions in the Quietist controversy, Bossuet and Godet des Marais try to persuade the faithful by transmitting their words in writing, or even orally. Such a stylistic diversity allows Fénelon to develop his Instruction pastorale in 1697, which announces his the way he will make use of the dialogue in 1714.
p. 69 – 89
Jean-Baptiste Massillon est un des rares évêques du XVIIIe siècle à avoir eu une grande carrière de prédicateur. Il faut chercher à comprendre si la pré- dication a été la cause de sa promotion ou si d’autres raisons sont à l’œuvre. Centrée sur différents sermons et oraisons funèbres, cette étude cherche à montrer le modèle de l’évêque idéal selon Massillon, la façon dont il mobilise un réseau efficace pour coiffer une mitre, et enfin comment il applique son modèle épiscopal à sa pastorale.
Jean-Baptiste Massillon is one of the only French eighteenth-century bishops who was famous for his preaching. He thus offers an interesting case: did his owe his brilliant career to preaching, or to other factors? Focusing on various sermons and funeral sermons, this article explores Massillon’s views on ideal bishops, as well as the way he calls upon an efficient network to become a bishop, or the way his pastoral involves his pastoral model.
p. 91 – 108
L’idée d’une parole épiscopale puissante est un lieu commun vérifiable avant 1650. Pourtant les prélats de l’Est ici présentés, fin xviie siècle, même s’ils s’expriment parfois au cœur de l’action pastorale, ne sont plus que des locuteurs intermittents. Qu’à cela ne tienne, en stimulant la prédication, en veillant à sa constante qualité ils rendent possible l’adage de Camus affirmant : « une autre fonction principale à l’Evesque, c’est la prédication, soit par soy- mesme, soit par autruy ».
The idea of a powerful episcopal voice is a truism that can be dated prior to 1650. However, at the end of the seventeenth century, bishops in Eastern France, while they may at times express themselves at the heart of pastoral action, become mere occasional speakers. Nevertheless, by fueling preaching and ensuring its quality remains constant, they make Camus’ adage come true: “Another main function of the Bishop is preaching, either through his own voice or through someone else’s”.
Varia
p. 111 – 128
Christian BELIN
L’Histoire sainte en dissonance dans Esther et Athalie
Comment rendre chrétiennement recevables des histoires moralement ambiguës, voire scabreuses, fussent-elles « tirées » de la sainte Écriture ? Tel est le défi que relève Racine dans Esther et dans Athalie. La notion de Providence suffira-t-elle à dissiper tout malentendu ? Racine, comme Bossuet, emprunte à saint Augustin une conception musicale de l’histoire qui lui confère une dimension spectaculaire en jouant sur ses effets de dissonance et de dissymétrie. Le mal participe à la manifestation d’une beauté enveloppée de pénombre. Ne serait-ce pas cet augustinisme-là, et non celui de la grâce, qui assure, dans Esther et dans Athalie, les fondements d’une esthétique théologique déployée en dramaturgie ?
How can we make admissible, from a Christian point of view, morally ambiguous, and perhaps scruffy stories, even extracted from the Sacred Scripture? This is the chal- lenge that Racine takes up in Esther and Athalia. Will the notion of Providence be enough to clear up any misunderstanding? Racine, like Bossuet, borrows from Saint Augustine a musical conception of history that gives it a spectacular dimension by playing on its effects of dissonance and asymmetry. Evil is part of the manifestation of a beauty wrapped in darkness. Is it not this Augustinism that ensures, in Esther and in Athalia, the foundations of a theological aesthetic deployed in dramaturgy?
p. 9 – 12
À la fois intéressé par les découvertes scientifiques et préoccupé par la volonté de préserver le dogme catholique des erreurs et des mensonges qui menacent son unité, Bossuet utilise, dans ses œuvres oratoires, le discours de la science comme un garant rationnel et – apparemment – objectif de la vérité du dogme. L’examen des dispositifs énonciatifs du discours scientifique chez Bossuet révèle que le discours érudit participe aux ambitions apologétiques du prédicateur.
Bossuet and knowledge
A study of enunciative devices in scientific discourse
Both interested in scientific discoveries and concerned by the will to preserve catholic dogma from errors and lies which threatened religious unity, Bossuet uses scientific discourse as a rational and apparently impartial evidence supporting dogmatic truth. By exploring the way Bossuet uses enunciative devices typical of scientific discourse, this article shows that erudite discourse takes part in the preacher’s apologetic enterprises.