p. 11 – 16
MOLIÈRE ET LA RELIGION
MOLIÈRE AND RELIGION
p. 19 – 29
À l’occasion des quatre cents ans de la naissance de Molière, s’est tenue en juin 2022, à Paris, une journée d’étude intitulée « Molière et la religion ». Ouvrant le dossier composé des communications qui ont marqué cet événement, l’introduction propose d’examiner les enjeux de la représentation dynamique de la religion que nous offre l’œuvre du dramaturge. On propose de fédérer ces enjeux sous la bannière d’une herméneutique de la prudence.
To mark the four hundredth anniversary of Molière’s birth, a conference entitled “Molière and Religion” was held in Paris in June 2022. Opening the proceedings of this event, the introduction presents the issues at stake in the dynamic representation of religion in Molière’s work. It suggests to unite these issues under the banner of a hermeneutic of prudence.
p. 31 – 51
Laurent THIROUIN
Dès la première édition de Tartuffe, en marge de la grande scène (IV,5) où l’imposteur est enfin démasqué, on lit une étrange didascalie : « C’est un scélérat qui parle ». Pourquoi cette précision, apparemment inutile, qui ne saurait constituer une indication scénique ? À qui s’adresse-t-elle ? Quelle est sa fonction ? En partant des problèmes logique et poétiques soulevés par cette « note », l’étude s’interroge sur les adversaires de Molière, les scélérats, et sur sa conception de la religion.
Molière and scoundrels
In the very first edition of Tartuffe, in the margin of the main scene (IV,5) in which the impostor is finally unmasked, we read a strange didascalia: “C’est un scélérat qui parle” (“It’s a scoundrel who speaks”). Why this seemingly useless clarification, which is not a stage direction? Who is it addressed to? What is its function? Starting with the logical and poetic problems raised by this “note”, the study looks at Molière’s adversaries – the scoundrels – and his conception of religion.
p. 53 – 71
Christian BELIN
Nombreux sont les malentendus autour du Tartuffe. L’hypocrisie est consubstantielle à l’art dramatique, et le mentir-vrai de l’imposteur pose la question de la profonde théâtralité de l’hypocrisie religieuse, qui s’ancre, en christianisme, dans le réquisitoire du Christ à l’encontre des Pharisiens. Suffirait-il de prendre Tartuffe en flagrant délit d’hypocrisie pour ôter à son jeu toute la force persuasive de ses grimaces ? La dévotion est-elle inexorablement vouée à n’être qu’une aporie ?
The devout aporia in Tartuffe
There are many misunderstandings surrounding Tartuffe. Hypocrisy is consubstantial with dramatic art, and the impostor’s lie-truth raises the question of the profound theatricality of religious hypocrisy, which in Christianity is rooted in Christ’s indictment of the Pharisees. Would it be enough to catch Tartuffe in the act of hypocrisy to remove all the persuasive force of his grimaces? Is devotion inexorably doomed to aporia?
p. 73 – 92
Anthony McKENNA
L’Avare de Molière est une comédie en abyme, où les personnages se jouent les uns des autres dans l’intérêt de leurs passions ; cette « imposture » est rendue nécessaire par la tyrannie du « héros » obsédé par l’argent. L’obsession d’Argan peut être comparée avec les marottes d’autres héros moliéresques, parmi lesquelles la dévotion religieuse : elles expriment toutes une angoisse existentielle. Les implications de ce constat sont explorées à la lumière du jugement de Guy Patin sur Molière.
Some remarks on dis/simulation
Molière’s L’Avare is a comedy in abyme, in which the characters fool each other in the interest of their passions; this “imposture” is made necessary by the tyranny of the money-obsessed “hero”. Argan’s obsession can be compared with the marottes of other Moliéresque heroes, including religious devotion: they all express existential anguish. The implications of this observation are explored in the light of Guy Patin’s judgment of Molière.
p. 93 – 102
Molière, Don Garcie de Navarre et le Dieu jaloux
Ellen McCLURE
La fréquence des références au « Ciel » dans Don Garcie de Navarre pourrait surprendre dans une pièce qui semble se centrer sur la question de la jalousie amoureuse. En démontrant le lien entre jalousie et divinité dans la pièce et, plus généralement, au XVIIe siècle, cet article suggère que le Ciel invoqué par les personnages de la pièce leur permet d’envisager des relations sociales et amoureuses qui ne risquent pas de dégénérer en tyrannie.
Molière, Don Garcie de Navarre and the jealous God
The many references to “Heaven” in Dom Garcie de Navarre may come as a surprise in a play that seems to focus on the issue of jealous love. By highlighting the link between jealousy and divinity in the play and, more generally, in the 17th century, this article suggests that the Heaven invoked by the characters enables them to contemplate social and love relationships that do not run the risk of degenerating into tyranny.
p. 103-115
Au regard de ses contemporains, Molière use d’une stratégie singulière pour défendre sa production théâtrale. Dans les querelles sur le théâtre, alors que les paratextes restent encore des textes de circonstances, le dramaturge s’en sert pour provoquer ses détracteurs, et attiser la controverse. Plus que le reflet d’une posture idéologique, cette stratégie relève d’une logique commerciale, avant tout destinée à se distinguer de ses contemporains et à promouvoir son théâtre.
Molière and paratexts. Between defense and provocation
In the eyes of his contemporaries, Molière used a singular strategy to defend his theatrical production. In the midst of theatrical quarrels, when paratexts were still texts of circumstance, he used them to provoke his detractors and stir up controversy. More than the reflection of an ideological stance, this strategy stems from a commercial logic, designed above all to distinguish himself from his contemporaries and promote his theater.
p. 117 – 133
Dans La Vie de Marianne, Marivaux imagine un faux dévot, M. de Climal, que d’Alembert tenait pour un excellent « tartuffe de roman », alors que l’imposteur de Molière constitue « un meilleur tartuffe de comédie ». Quelles sont les ressources que le genre romanesque (et en particulier le roman-mémoires) offre à Marivaux pour peindre un autre Tartuffe, dont l’ethos, l’identité sociale et le paradoxal repentir final constituent autant d’écarts vis-à-vis de la pièce de Molière ?
A “Tartuffe de roman”.Marivaux confronts Molière in La Vie de Marianne
In La Vie de Marianne, Marivaux imagines a false devotee, M. de Climal, whom d’Alembert considered an excellent “Tartuffe de roman“, whereas Molière’s impostor is “a better Tartuffe de comédie“. What resources does the novelistic genre (and in particular the memoir) offer Marivaux to paint another Tartuffe, whose ethos, social identity and paradoxical final repentance nevertheless differ from Molière’s play?
Varia
p. 137 – 158
L’influence que Bossuet exerça sur le jeune Edgard Quinet, poète, historien et philosophe, est restée confidentielle. Elle s’exprime dans une étude inédite qui révèle la fascination de Quinet pour l’orateur chrétien et l’historien des religions qu’est Bossuet, dont il admire un style qui influence le sien. C’est cette interaction à l’œuvre entre la lecture et l’écriture qui sera examinée, pour montrer le rôle déterminant de Bossuet dans la formation de la pensée de Quinet et sur sa personnalité.
The “genius” of Bossuet by Edgar Quinet
The influence Bossuet exerted on the young Edgard Quinet, poet, historian and philosopher, has remained confidential. This previously unpublished study reveals Quinet’s fascination with Bossuet, the Christian orator and historian of religion, whose style he admired and whose influence on his own. It is this interaction at work between reading and writing that will be examined, to show Bossuet’s decisive role in shaping Quinet’s thinking and personality.
p. 159 – 167
L’influence de Bossuet sur le mouvement d’Oxford
Jean TROUCHAUD
L’œuvre de Bossuet fut largement connue et commentée dans l’Angleterre de la fin du Grand Siècle et du début du Siècle des Lumières. Vers 1830, le « mouvement d’Oxford », visant à restaurer l’église d’Angleterre pour qu’elle retrouve sa place dans l’Église universelle, s’inspira mutatis mutandis, des tentatives qu’avait menées Bossuet dans ce sens. C’est cette démarche qui est au cœur de cet article, en continuité avec le numéro précédent de la Revue Bossuet.
Bossuet’s influence on the Oxford movement
Bossuet’s work was widely known and commented on in England at the end of the 17th century and the beginning of the 18th. Around 1830, the “Oxford Movement”, whose aim was to restore the Church of England to its rightful place in the universal Church, was inspired, mutatis mutandis, by Bossuet’s attempts in this direction. It is this approach that lies at the heart of this article, in keeping with the previous issue of the Revue Bossuet.
p. 169 – 191
Pierre LYRAUD
Des trois vertus théologales, l’espérance est la moins interrogée. Elle est pourtant la plus poétique des vertus, au moins en ce sens qu’elle affecte les trois pôles de la communication que sont l’énonciateur, l’énoncé et le récepteur. On propose de synthétiser la définition bossuétienne de l’espérance qui dit ensemble le tremblement de la condition humaine et sa consolation, sa séparation et sa grandeur, la mesure infinie de l’Espérance divine et la démesure trompeuse de l’espérance humaine.
Bossuet, hope and trembling authority
Of the three theological virtues, hope has been the least explored. Yet it is the most poetic of the virtues, at least in the sense that it implies the three poles of communication: the enunciator, the utterance and the receiver. This article summarizes Bossuet’s definition of hope, which expresses together the trembling of the human condition and its consolation, its separation and its greatness, the infinite measure of divine Hope and the deceptive excess of human hope.
p. 193 – 228
Les Supplenda in Psalmos, ou le Supplément à la Dissertation sur les Psaumes de Jacques-Bénigne Bossuet (II)
James BARNES
Prédicateur, panégyriste, précepteur et historien, Bossuet le fut, mais non seulement. Doté d’une culture et d’une personnalité polyvalentes, comme tous les autres héritiers de l’humanisme philologique à son époque, il fut aussi évêque, érudit attentif et exégète. Dans ce Supplément, il prend part aux débats exégétiques des savants de son temps, et il y prend position contre un érudit néerlandais influent, Hugo Grotius, exégète arminien et, selon Bossuet ici, socinien.
The Supplenda in Psalmos, or the Supplement to the Dissertation on the Psalms by Jacques-Bénigne Bossuet (II)
Bossuet was not only a preacher, a panegyrist, a royal tutor, and a historian, but being such a versatile and cultured author, he was also a bishop, an erudite scholar and an exegete. In his Supplenda in Psalmos, he takes part in exegetical debates which involve many scholars of his time. He takes a stand against an influential Flemish scholar, Hugo Grotius, imbued with Arminian exegesis, whom Bossuet accuses here of the heresy of Socinianism.
p. 231 – 236
Arnaud Odier, Bossuet, la voix du Grand Siècle, Paris, Cerf, coll. « Littérature », 2017, 192 p. (Nicolas Pelleton)
Joël Schmidt, Bossuet, Paris, Salvator, 2017, 294 p. (Nicolas Pelleton)
« Je ne vois qu’infini ». Littérature et théologie à l’âge classique. Mélanges en l’honneur de Gérard Ferreyrolles, éd. Constance Cagnat-Debœuf, Laurence Plazenet et Anne Régent-Susini, Paris, Honoré Champion, 2022, « Colloques, congrès et conférences sur le Classicisme » (24), 701 p. (Clément Van Hamme)
p. 237 – 241