p. 9 – 14
Autour d’un jubilé
Christian BELIN
Éditorial
p. 15 – 20
Les Amis de Bossuet entament, en 2025, la célébration de leur centenaire. Cependant, la date de naissance de l’association – sa déclaration, en 1925 — n’est pas sa date de fondation véritable, qui a eu lieu en 1927 lors du tricentenaire de la mort de Bossuet. Cette note entreprend un court rappel des premiers actes de l’association, entre 1925 et 1927, en appelant de ses vœux, dans l’esprit de ses fondateurs et de leurs successeurs, l’entreprise d’un plus vaste travail de mémoire d’ici 2027.
Servants and Friends. The “Friends of Bossuet” are a hundred years old
The year 2025 marks the beginning of the centenary of the Friends of Bossuet. However, the date of birth of the association – its declaration, in 1925 – is not its date of true foundation, which took place in 1927 at the time of the tricentenary of the death of Bossuet. This note undertakes a short recall of the first acts of the association, between 1925 and 1927, by calling of its wishes, in the spirit of its founders and their successors, a more complete work of memory between now and 2027.
SPIRITUALITÉ ET RÉFLEXIVITÉ. ÉCRIRE POUR SOI AU XVIIe SIÈCLE
Spirituality and reflexivity. Writing for oneself in the 17th century
p. 21 – 32
Si les règles de la bienséance civile et religieuse limitent l’expression du for privé, le XVIIe siècle fournit néanmoins une abondante littérature à la première personne. Il est des cas où le « je » constitue son propre destinataire. Il s’agit ici d’examiner ces écrits pour soi, leurs formes et leurs intentions. Écrit-on jamais pour soi quand on écrit sur soi ? Peut-on lire dans ces textes les prémices du Journal intime tel qu’il se constituera ? Le présent numéro offre des éléments de réponse.
Spirituality and reflexivity. Writing for oneself in the 17th century
Although civil and religious rules of propriety limited private expression, the 17th century nevertheless produced a wealth of literature written in the first person. There are cases where the ‘I’ is its own addressee. Here, we examine these writings for oneself, their forms and their intentions. Does one ever write for oneself when writing about oneself? Can we read in these texts the beginnings of the diary as it would later become? This issue offers some answers.
p. 33 – 52
Pierre LYRAUD
Enjeux de l’écriture auto-destinée dans les Pensées de Pascal
La Préface des Pensées de M. Pascal ne manque ni de richesse ni d’équivoque. Rappelant plusieurs fois que Pascal « n’écrivait que pour lui », elle efface paradoxalement de son corpus les pensées qui correspondent le plus à des méditations spirituelles. Après une étude de ce paradoxe, l’article se concentre sur ces fragments apparemment autodestinés pour mettre en évidence l’invention formelle qui s’y déploie et la mobilité énonciative qui rend difficile un partage net entre destination privée et publique.
“He wrote only for himself”. Issues of self-addressed writing in Pascal’s Pensées
The Preface to Pensées de M. Pascal is both rich and ambiguous. Repeatedly stating that Pascal ‘wrote only for himself,’ it paradoxically omits from his corpus the pensées that most closely resemble spiritual meditations. After a brief examination of this paradox, the article focuses on these apparently self-addressed fragments to highlight the formal invention they display and the mobility of enunciation that makes it difficult to draw a clear line between private and public destination.
p. 53 – 72
L’écriture, qui constitue aux yeux de Hamon un geste permettant à la fois de s’éloigner du monde et de se rapprocher de Dieu, semble destinée à un usage initialement personnel. Si le Solitaire de Port-Royal éprouve une réticence et même une « répugnance » à écrire pour les religieuses, à les enseigner et les instruire, pour les soutenir et les consoler dans l’épreuve de la dispersion et de la réclusion, les soliloques de cette âme dont on reconnaît l’utilité pour la communauté sont finalement destinés au public.
The Soliloquies of Jean Hamon, or the Lamentations of a Heart
Writing, which Jean Hamon saw as a way of distancing himself from the world and drawing closer to God, seems to have been intended initially for personal use. Although the Solitaire de Port-Royal feels reluctance and even ‘repugnance’ towards writing for the nuns, teaching and instructing them, supporting and consoling them in their trials of dispersion and seclusion, the soliloquies of this soul, whose usefulness to the community is recognised, are ultimately intended for the public.
p. 73 – 89
Marianne CLOSSON
Dans les quatre récits autobiographiques de possession démoniaque qui nous sont parvenus, les protagonistes sont affrontés à la tentation de mettre fin à leurs jours et de se damner. C’est pourtant à ce moment-là que Dieu se manifeste, entraînant une « conversion » qui leur permet de retrouver une part d’eux-mêmes qui a échappé au diable. L’écriture prend alors une fonction à la fois spirituelle et thérapeutique de reconstruction d’un moi qui a connu l’épreuve de ne plus s’appartenir.
The temptation of suicide in the writings of the possessed
In the four autobiographical accounts of demonic possession that have come down to us, the protagonists are faced with the temptation to end their lives and damn themselves. However, it is at this moment that God manifests himself, bringing about a “conversion” that allows them to rediscover a part of themselves that had been lost to the devil. Writing then takes on a spiritual and therapeutic function, rebuilding a self that has undergone the ordeal of no longer belonging to itself.
p. 91 – 105
This contribution considers the Petits Livres secrets as a mode of self-writing. These nine manuscripts, fabricated by Madame de Maintenon, belong to the context of the direction of her soul and the act of rendering an account of the self in writing. In comparison to this act of writing – the so-called redditions de compte – the booklets served a different purpose: they were not for the male director’s eyes, but for her eyes only. As such, they are the result of auto-destination in writing.
S’érire à soi-même ? Les Petits Livres secrets de Madame de Maintenon
L’article porte sur les Petits Livres secrets, considérés comme une forme d’écriture de soi. Ces textes (neuf manuscrits rédigés par Madame de Maintenon) s’inscrivent dans le contexte de la direction de conscience, où la personne dirigée doit rendre compte d’elle-même par l’écriture. Comparés aux redditions de compte, qui s’adressent au directeur spirituel, ces Petits Livres puisent leur originalité dans l’autodestination de l’écriture, qui voit le « je » écrire pour soi.
p. 107 – 118
Jean GARAPON
De la piété conventionnelle à l’inquiétude spirituelle
Mademoiselle de Montpensier a beaucoup écrit sur sa foi, sans se soucier de théologie, dans des formes d’écriture variées. Ses écrits de piété, peu diffusés de son vivant, forment un ensemble cohérent autour d’une expérience de princesse chrétienne. La foi coutumière des débuts est peu à peu travaillée par l’inquiétude et l’imagination, par la souffrance aussi. Elle s’oriente d’abord vers l’utopie féministe, avant de s’inspirer du modèle du P. Caussin, puis surtout de François de Sales.
Faith and Existence in the Work of Mademoiselle de Montpensier.From Conventional Piety to Spiritual Anxiety
Mademoiselle de Montpensier wrote extensively about her faith, in a variety of styles, without concern for theology. Her devotional writings, which were not widely circulated during her lifetime, form a coherent whole focused on her experience as a Christian princess. Her early conventional faith was gradually transformed by anxiety and imagination, as well as by suffering. She initially turned towards feminist utopia, before being inspired by the model of Nicolas Caussin and, above all, by François de Sales.
p. 119 – 137
L’Apologie de M. le prince de Marcillac (1649) rend compte des raisons qui ont poussé La Rochefoucauld à participer à la Fronde. On se demandera pourquoi ce texte déroutant maintient sa destination en suspens. Si l’ambition du frondeur est de s’adresser à un public modulable en fonction de son destin alors incertain, il s’agit aussi de créer un espace discursif propre à recueillir le récit d’une révolution intérieure, permettant à l’auteur d’agir sur lui-même en se confirmant dans la révolte.
The Apology of the Prince of Marcillac, a destination in limbo
L’Apologie de M. le prince de Marcillac (1649) recounts the reasons that led La Rochefoucauld to participate in the Fronde. We will ask why this perplexing text leaves its destination open. If the rebel’s ambition is to address an audience that can be adapted to his then uncertain fate, it is also to create a discursive space in which to record the story of an inner revolution, allowing the author to act on himself by confirming his commitment to the revolt.
Varia
p. 141 – 189
Saint Genest reste, tout au long du XVIIe siècle, un protecteur vénéré par la corporation des ménétriers et une figure exemplaire pour les partisans du théâtre et des comédiens comme pour leurs adversaires. Celui qu’Adon et l’anonyme lyonnais présentaient comme un contempteur du christianisme miraculeusement converti, est devenu, grâce à Rotrou et aux hagiographes de l’âge baroque, un comédien converti dans l’exercice de son art et pouvant servir d’exemple à ceux qui pratiquent son métier.
A little-known saint of the 17th century. Saint Genest the Comedian
Throughout the 17th century, Saint Genest remained a revered protector of the minstrels’ guild and an exemplary figure for both supporters and opponents of theatre and actors. The man whom Adon and the anonymous Lyonnais presented as a despiser of Christianity who was miraculously converted became, thanks to Rotrou and the hagiographers of the Baroque era, an actor who converted while practising his art and who could serve as an example to those who practised his profession.
p. 191 – 199